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Chroniques
Péter Eötvös
Intervalles-Intérieurs – Windsequenzen
Les deux œuvres de ce disque datent de la « période d'exploration » de Péter Eötvös (né en 1958), quand il cherchait à transférer les lois de la nature à l'intérieur du son. « J'ai développé le matériau électronique de base pour Intervalles-Intérieurs entre 1972 et 1974 (la pièce Electronicle étant une sorte de journal-résumé de ce travail), mais en ajoutant trois versions de la partie instrumentale entre 1975 et 1981. J'ai commencé Windsequenzen en 1975, et j'y ai continuellement travaillé jusqu'en 2002. Je considère à présent la forme de ces deux pièces comme définitive. »
Par le passé, certains intervalles musicaux étaient permis, d'autres considérés comme dangereux ou carrément interdits. La tension entre deux notes est au cœur du débat, et c'est ce qui intéresse Eötvös – particulièrement depuis son engagement dans l'opéra, où il faut mettre en valeurs différents personnages. Mais que se passe-t-il à l'intérieur de ces intervalles ? En utilisant un matériel adapté (filtre de contrôle du voltage, modulateur annulaire, etc.), sorte de « microscope acoustique » pour reprendre ses propres termes, le compositeur parvient à rendre audible ce qui est généralement dissimulé à l'oreille nue :
« Ce qui importe, c'est que chaque élément audible du système est automatiquement généré par une unité unique. Les paramètres sont identiques pour les uns et les autres : la mélodie a la même forme de mouvement que le rythme ». Ce principe a quelque chose en commun avec la musique sérielle, mais le résultat sonore mène à un chemin complètement différent, à une sorte de germination organique profuse ».
À terme, ce travail n'est rien d'autre qu'une rencontre avec les secrets de la nature, les sons de la nature. Les racines de la musique sont ainsi révélées… Les quatre musiciens qui accompagnent la bande originale de Peter Eötvös et Mesias Maiguashca, membres de L'Association pour la Nouvelle Musique Hongroise (UMZE), sont Csaba Klenyán (clarinette), Aurél Holló (cloches),Anna Mérey (violon) et György Déri (violoncelle).
De même, Windsequenzen se veut non pas une illustration de la nature mais la nature elle-même. Malgré les titres apportés bien plus tard aux neufs parties (Absence de vent,Trois séquences du vent de la montagne, etc.), on est loin de la musique à programme. Mieux vaut évoquer ces six mois de 1970 passés au Japon – comme membre de l'ensemble Karlheinz Stockhausen – pour parler d’une partition qui favorise la flûte, le piccolo et la clarinette. Sensible au paysage japonais, Eötvös le fut aussi à l'esprit zen du bouddhisme qui soutend l'œuvre : calme dans le mouvement, mouvement dans le calme. Paradoxe ? Sans doute, à l’image de cette construction intellectuelle rigoureuse, reposant sur les séries harmoniques et les différences de tons, qui enfante une œuvre poétique, méditative et sensuelle – interprétée par neuf membres du Klangforum Wien.
LB